🎯 Objectif
Utiliser l’échographie pour :
- Détecter un épanchement gléno-huméral et/ou sous-acromial–sous-deltoïdien ;
- Identifier une luxation antérieure ou postérieure, avant et après réduction ;
- Évaluer l’intégrité de la coiffe des rotateurs (sus-épineux, sous-épineux, sous-scapulaire) et du tendon du long biceps ;
- Guider une ponction ou infiltration de manière sûre.
⚙️ But pratique : en un balayage dynamique, passer de la gouttière bicipitale au diagnostic de rupture de coiffe.
🧰 Sonde et Réglages
Privilégier une sonde linéaire 7–15 MHz pour les structures superficielles ; passer à une convexe 2–5 MHz chez les patients très corpulents ou en cas de fenêtre acoustique limitée.
Sélectionner le préréglage MSK / Petites parties. Régler la profondeur à 4–6 cm (adapter à l’épaisseur), positionner le foyer à la profondeur du tendon étudié, et ajuster un gain moyen pour révéler la trame fibrillaire des tendons. Le Doppler puissance est utile en cas de bursite ou de synovite.
🧍 Position du Patient
Installer le patient assis pour la plupart des coupes dynamiques.
- Gouttière bicipitale / antérieur : bras relâché, main sur la cuisse.
- Sous-scapulaire : bras en rotation externe pour dérouler le tendon.
- Sus-épineux : position de Crass (main sur la poche arrière) pour dégager la coiffe sous l’acromion.
- Sous-épineux (postérieur) : main posée sur l’épaule controlatérale.
- Recherche de luxation : décubitus possible, bras le long du corps.
💡 En cas de doute, comparer aux côtés : symétrie et repères osseux vous guident.
🧭 Anatomie échographique de référence (normal)
L’humérus se présente par un arc cortical hyperéchogène régulier ; la glène apparaît comme une ligne brillante courte en arrière de la tête humérale.
Les tendons de la coiffe sont des bandes fibrillaires hyperéchogènes :
- Long biceps : ovale brillant bien centré dans la gouttière bicipitale (vues transversale et longitudinale).
- Sous-scapulaire : bande antérieure visible en rotation externe, glissant sur la petite tubérosité.
- Sus-épineux : lame continue sous l’acromion en position de Crass.
- Sous-épineux : aspect similaire en postérieur, en regard de la tubérosité majeure.
La bourse sous-acromiale–sous-deltoïdienne est un fin liseré hypoéchogène entre coiffe et deltoïde.
💧 Épanchement de l’épaule
Les récessus antérieur (en regard de la gouttière bicipitale, profond au sous-scapulaire) et postérieur (derrière la tête humérale, sous la capsule) sont les sites clefs.
L’épanchement se voit comme une poche anéchogène ou hypoéchogène sous la capsule, non compressible, parfois associé à un bombement du coussinet graisseux.
Une synoviale épaissie et vascularisée au Doppler évoque une arthrite inflammatoire ; des débris flottants ou cloisons font suspecter hémarthrose ou infection.
Mesurer perpendiculairement à la capsule et documenter en millimètres.
En post-traumatique, un épanchement est très souvent une hémarthrose : ponction échoguidée si tension douloureuse ou suspicion infectieuse.
🦾 Luxation gléno-humérale
Luxation antérieure (la plus fréquente)
La coupe postérieure transverse (au-dessus de l’épine de l’omoplate) montre normalement la tête humérale alignée sur la glène.
En luxation antérieure, la tête humérale quitte la glène et se déplace en avant et en bas, laissant une glène “vide”.
La rotation douce du bras aide à vérifier si la tête suit ou non l’arc glénoïdien.
Luxation postérieure
Toujours sur la coupe postérieure, la tête humérale apparaît en arrière de la glène ; on peut noter un défaut d’impaction postérieur (“reverse Hill-Sachs”).
L’échographie permet une confirmation rapide avant réduction, puis contrôle immédiat du recentrage, sans irradiation.
🧩 Évaluation de la coiffe des rotateurs
- Tendon du long biceps : vérifier centrage dans la gouttière (subluxation, luxation médiale), rupture, épanchement de gaine.
- Sous-scapulaire : en rotation externe, rechercher défaut hypoéchogène, rétraction, collection profonde.
- Sus-épineux : en position de Crass, analyser la continuité fibrillaire ; un défaut hypoéchogène transfixiantavec fluide bursal est en faveur d’une rupture transmurale ; un amincissement focal ou une perte de trameévoquent une rupture partielle.
- Sous-épineux : inspection postérieure à la recherche d’un trou focal, d’atrophie ou de kystes.
Signes de rupture : défect hypoéchogène à travers les fibres, perte de la trame, fluide bursal ou pont liquidien entre coiffe et deltoïde, rétraction du moignon.
Le balayage dynamique (rotations interne/externe) révèle des défauts discrets masqués en statique.
💉 Ponction / Infiltration échoguidée (principes)
Repérer la poche liquidienne la plus superficielle et accessible (souvent récessus antérieur).
Tracer mentalement un trajet d’aiguille en plan vis-à-vis de la sonde (préféré), sous conditions stériles (gaine de sonde, gel stérile, champ).
Avancer en temps réel en gardant la pointe visible (ligne hyperéchogène).
Confirmer l’entrée dans la poche par aspiration ou visualisation du flux lors de l’injection.
Éviter le paquet vasculo-nerveux axillaire (médial).
⚠️ Pièges et solutions
- Confondre graisse deltoïdienne et bourse : la graisse est échogène et se déforme à la pression ; la bourse suit la cinétique tendineuse.
- Gain trop élevé : masque les défauts tendineux → diminuer jusqu’à voir nettement les fibres.
- Épanchement vs kyste : vérifier la continuité avec la capsule gléno-humérale.
- Ombre de la tête humérale : toujours dédoubler les plans (longitudinal + transverse) avant de conclure à une luxation.
- Fenêtre difficile (obésité, œdème) : sonde convexe ou abord postérieur pour récupérer une image exploitable.
🩺 Conclusion
L’échographie de l’épaule, bien conduite, offre une lecture dynamique et immédiate des épanchements, des luxations et des ruptures de coiffe — et sécurise les gestes (ponction, infiltration).
Adoptez une séquence systématique : gouttière bicipitale → sous-scapulaire → sus-épineux → postérieur, en comparant les deux côtés et en documentant chaque constat.
💬 À retenir :
- Sonde linéaire, réglages fins (profondeur courte, foyer sur tendon).
- Coupe postérieure pour la luxation ; Crass pour la coiffe.
- Pointe d’aiguille toujours visible en procédure.
L’échographie transforme l’épaule douloureuse en diagnostic clair et actionnable au lit du patient.
