đŻ Objectif
Apprendre Ă rĂ©aliser et optimiser une Ă©chographie pulmonaire en contexte dâurgence ou de soins intensifs.
Ce chapitre prĂ©sente le choix de la sonde, les rĂ©glages de lâappareil, le positionnement du patient et la cartographie des zones thoraciques.
âïž But : savoir oĂč, comment et avec quels rĂ©glages obtenir une image fiable permettant dâĂ©valuer lâaĂ©ration pulmonaire, la prĂ©sence dâun pneumothorax, dâun Ă©panchement pleural ou dâun syndrome interstitiel.
đ§° Choix de la Sonde
- Sonde convexe (2â5 MHz) : utilisĂ©e dans la majoritĂ© des cas pour une vue dâensemble, la recherche dâĂ©panchement ou de lignes B.
- Sonde linĂ©aire (7â15 MHz) : idĂ©ale pour lâĂ©tude fine de la ligne pleurale, la recherche de pneumothorax ou de lĂ©sions sous-pleurales.
- Sonde sectorielle (cardiaque, 2â5 MHz) : utile entre les cĂŽtes ou dans un protocole intĂ©grĂ© thoraco-cardiaque (examen combinĂ© ou eFAST).
đĄ Commencer Ă la sonde convexe pour le balayage gĂ©nĂ©ral, puis passer Ă la linĂ©aire pour confirmer les signes pleuraux ou visualiser un glissement discret.
âïž RĂ©glages de lâAppareil
- Préréglage : mode Poumon (ou Abdomen si non disponible), car il conserve les artefacts nécessaires au diagnostic.
- Profondeur : environ 8 Ă 12 cm, de maniĂšre Ă placer la ligne pleurale dans le tiers supĂ©rieur de lâĂ©cran.
- Mise au point (focus) : au niveau de la ligne pleurale, pour améliorer la netteté des artefacts.
- Gain : moyen Ă lĂ©gĂšrement faible â un gain trop Ă©levĂ© efface les lignes, trop faible les fait disparaĂźtre.
- Plage dynamique : large (60â80 dB) pour conserver le contraste entre la plĂšvre brillante et les artefacts sous-jacents.
- Harmoniques tissulaires : désactivées, car elles effacent les lignes A et B.
- RĂ©duction de tavelures (âspeckle reductionâ) : dĂ©sactivĂ©e Ă©galement.
- Doppler couleur : facultatif, utile pour objectiver le glissement pleural.
â ïž Les filtres de traitement dâimage peuvent rendre lâimage âplus belleâ mais moins diagnostique. En Ă©chographie pulmonaire, les artefacts sont la clef.
đ§ Position du Patient
- Patient stable : position assise ou demi-assise â la plus adaptĂ©e pour visualiser les bases pulmonaires.
- DyspnĂ©e ou ventilation mĂ©canique : position semi-assise Ă 45°, standard en service dâurgences ou de rĂ©animation.
- Patient allongĂ© (traumatisĂ© ou en arrĂȘt cardiaque) : examen en dĂ©cubitus dorsal, prioritĂ© aux zones antĂ©rieures pour rechercher un pneumothorax.
- Patient instable : possible exploration en décubitus latéral pour dégager le champ postérieur.
- Enfant : examen en position allongĂ©e ou sur les genoux dâun parent, profondeur ajustĂ©e Ă 4â6 cm.
đĄ Utiliser la gravitĂ© Ă son avantage : lâair remonte vers les zones antĂ©rieures, les liquides sâaccumulent dans les zones postĂ©rieures.
đ« Cartographie des Zones Thoraciques
Lâexamen est rĂ©alisĂ© selon une approche systĂ©matique divisant chaque hĂ©mithorax en plusieurs rĂ©gions.
Deux méthodes principales existent :
Méthode en huit zones (rapide, utilisée en urgence)
- 2 zones antérieures (supérieure et inférieure) entre la ligne parasternal et la ligne axillaire antérieure.
- 2 zones latérales (supérieure et inférieure) entre la ligne axillaire antérieure et postérieure.
Méthode en douze zones (approfondie)
- Ajout des zones postérieures (supérieure et inférieure) entre la colonne vertébrale et la ligne axillaire postérieure.
đ Cette mĂ©thode permet une analyse complĂšte de lâensemble du parenchyme pulmonaire.
Répartition des pathologies selon la zone :
- Antérieure : pneumothorax, perte de glissement pleural, lignes A dominantes.
- Latérale : épanchements, condensations basales.
- PostĂ©rieure : ĆdĂšme, pneumonie, atĂ©lectasie, SDRA.
đŻ Orientation de la Sonde et Technique
Placez la sonde dans lâaxe longitudinal, perpendiculaire Ă la paroi, entre deux cĂŽtes.
Les cÎtes apparaissent comme deux ombres acoustiques profondes, encadrant la ligne pleurale hyperéchogÚne au centre.
Cette ligne, fine et brillante, oscille avec la respiration â câest le signe de glissement pleural.
ProcĂ©der Ă un balayage vertical (de la rĂ©gion sus-claviculaire jusquâau diaphragme), puis horizontalement vers les zones latĂ©rales.
Comparer toujours les deux cÎtés, zone par zone, pour détecter les asymétries.
đĄ LâĂ©chographie pulmonaire est dynamique : regarder le mouvement (glissement, artefacts vibrants, ârideau diaphragmatiqueâ) est aussi important que lâimage fixe.
â Aspect Normal du Poumon Ăchographique
- Ligne pleurale : fine bande hyperéchogÚne, horizontale, se déplaçant avec la respiration.
- Glissement pleural : scintillement horizontal régulier traduisant le contact des deux plÚvres.
- Lignes A : bandes horizontales parallĂšles, rĂ©pĂ©titives, Ă©cho de la ligne pleurale â poumon aĂ©rĂ© normal.
- Lignes B isolĂ©es (moins de 3 par champ) : artefacts verticaux fins, mobiles, atteignant le fond de lâĂ©cran â quantitĂ© physiologique de liquide interstitiel.
đ« Ces signes traduisent un poumon bien ventilĂ© et non pathologique.
â ïž PiĂšges Techniques et ArtĂ©facts FrĂ©quents
- Absence de glissement pleural sans pneumothorax : penser à une intubation sélective, une atélectasie, une apnée ou des adhérences pleurales.
- Absence de lignes B malgrĂ© un poumon âhumideâ : profondeur trop faible ou gain insuffisant â rĂ©ajuster.
- Fausse ligne B : artefact sous-cutanĂ© ou fascia musculaire â la vraie ligne B balaye tout lâĂ©cran et ne disparaĂźt pas avec la translation de la sonde.
- Fausse condensation : mauvais contact ou bulles de gel â rajouter du gel, exercer une lĂ©gĂšre pression.
- PlĂšvre trop profonde : profondeur excessive â rĂ©duire pour centrer la ligne pleurale.
đŻ En Ă©chographie pulmonaire, lâerreur dâinterprĂ©tation vient souvent dâun rĂ©glage imparfait plutĂŽt que dâun vrai piĂšge pathologique.
đ©ș Conduite de lâExamen (check-list pratique)
1ïžâŁ RepĂ©rer la ligne pleurale entre deux cĂŽtes.
2ïžâŁ Observer le glissement pleural.
3ïžâŁ Identifier les artefacts : lignes A (air), lignes B (liquide).
4ïžâŁ Examiner plusieurs zones bilatĂ©rales.
5ïžâŁ Ajuster la profondeur et le gain pour une lecture claire.
đ§ Lâexamen complet dâun thorax ne prend que quelques minutes et fournit une information fonctionnelle immĂ©diate.
đ§© Conclusion
LâĂ©chographie pulmonaire est un outil essentiel du diagnostic dâurgence : elle est rapide, non invasive et rĂ©pĂ©table.
Elle permet dâidentifier la majoritĂ© des causes de dĂ©tresse respiratoire sans irradiation ni dĂ©lai.
đŹ Mantra pratique :
« Trouver la plÚvre, vérifier le glissement, lire les lignes. » à partir de là , tout devient clair.